• L’éternel conflit. La Palestine devait être une terre modèle.

    La Palestine devait être une terre modèle, profondément égalitaire, ouverte aux Juifs, aux musulmans, aux chrétiens, quelle que soit l’importance de leurs populations.

    Les évènements tragiques depuis quelques jours me rappellent le très beau livre de Metin Arditi Rachel et les siens (503p. publié chez Grasset en 2020).

     

    J’en avais déjà rédigé un Billet d’Humeur le 24 mai 2021 à l’occasion d’une montée, parmi d’autres…, des tensions entre Juifs et Palestiniens, à ce moment-là.

     

    La 4ème de couverture résume « Avec ses parents, des Juifs de Palestine, Rachel habite Jaffa au début du XXè siècle. Ils partagent leur maison avec les Khalifa, des arabes chrétiens. Les deux familles n’ont font qu’une, jusqu’à ce que l’Histoire s’en mêle. 

    Conflits religieux, guerres…Dans les tempêtes, Rachel tient bon grâce à l’art, à sa vocation absolue pour le théâtre. Elle organise le monde sur scène, tandis que sa vie est agitée d’amours et de deuils, d’obstacles et d’exils. De Palestine  (Jaffa 1917-1923 ; Tel-Aviv 1923-1942 , Istanbul 1942-1948, Paris 1948 New-York, Genève, Jaffa 1982), elle affronte, intrépide, amoureuse, un monde hostile, créant une œuvre bouleversante. »

     

    Metin Arditi est écrivain suisse d’origine turque. En 2014, il crée et préside la « Fondation Arditi pour le dialogue interculturel ». Il est fondateur en 2009 de la Fondation « Les Instruments de la Paix-Genève », qui favorise l’éducation musicale des enfants de Palestine et d’Israël. (Wikipedia).

     

    Quelques extraits de Rachel et les siens m’ont semblé faire directement écho à ces relations toujours plus conflictuelles.

     

    « Avant, tout le monde allait au pèlerinage de Nabi Rubin (à une journée de marche au sud de Jaffa) en l’honneur du Prophète…tout le monde s’y retrouvait Juifs, chrétiens, musulmans… Avec tes parents, nous avons toujours tout partagé… Nous faisons le shabbat avec vous. Et chaque dimanche, tu nous accompagnes à la Messe. (Les Juifs) qui sont venus d’Europe n’aiment pas se mêler à nous. Et puis, ils sont trop nombreux. Un jour, ils voudront nous chasser, tu verras. » (p.38-39 ; daté du 13 février 1917)…

    Novembre 1917. La Grande-Bretagne signait la déclaration Balfour, qui tenait lieu de promesse en vue d’établir, en Palestine, un ‘Foyer national juif’. Elle promettait une terre qui ne lui appartenait pas,… sans le moindre souci d’en référer à nous, ses habitants depuis toujours. » (p.168).

     

    « (La conviction des Juifs d’) être le peuple élu, c’était avoir un mandat. Une charge. Ce n’était pas dire : ‘Je suis le meilleur’… Chaque nouveau quartier de Tel-Aviv, chaque nouvelle rue, marquait la puissance des nouveaux arrivants, creusait les différences avec ceux qui étaient là avant eux, Juifs ou Arabes. 

    Depuis dix ans, Rachel et Karl n’avaient fait que cela. Parler, Espérer. Et voir leurs espoirs s’amenuiser, au quotidien. » (p.195).

     

    Le 17 octobre 1936, attentat contre le train Jérusalem-Jaffa.

    L’ironie tragique de cet attentat meurtrier touche à la nature des victimes. Karl Katzenbach et Avner Ben-Zvi étaient tous deux des membres engagés de Brit Shalom, l’association aujourd’hui disparue qui prônait la constitution d’un Etat binational dans lequel Juifs et Arabes auraient les mêmes droits.

     

    Désillusionnée, Rachel décide de quitter Jaffa et de faire sa vie à Istanbul.

     

    Rachel continuait à écrire.

    Le chemin de croix, texte qu’elle avait envoyé à plusieurs théâtres parisiens, fut reconnu par Blaise de Saint-Pierre, ancien résistant, et propriétaire du Théâtre du Luxembourg. Là commença enfin sa célébrité qui allait dans la suite lui faire parcourir le monde.

     

    Mais la question du peuple élu revint lorsqu’à New-York, en 1968, le prix de la Paix lui fut attribué par le comité de la NewYork Yewish Foundation for Peace.  

    « Oui vous avez porté haut les couleurs du peuple juif, peuple élu, il faut le rappeler. Oui Elu. Pour quelle mission ? … Pas de faire à autrui ce que lui-même a subi. Surtout si cet autrui n’y est pour rien. » (p.455).

     

    Un autre aspect de cette question lancinante traverse la vie de Rachel. Elle avait, à Jaffa, épousé un Arabe chrétien dont elle eut un enfant Elias. 

     

    « J’étais, dit Rachel, dans la peau de cet enfant dont le père est arabe et la mère juive. Il va chez sa mère et lui demande qu’est-ce que je suis ? Elle lui répond qu’en tant que fils d’une Juive, il est forcément juif, c’est la Loi. L’enfant va poser la même question à son père. Tu es arabe puisque ton père est arabe, c’est ainsi. Le soir, à table, les parents voient leur fils très troublé. Tu as un problème ? demandent les parents. Oui, répond l’enfant. Je ne sais pas qui je suis. » (p.443).

    Et si, question personnelle, l’enfant juif (le mâle) était d’abord élu par sa mère qui, dit-on, valorise fortement ses fils, surtout l’aîné (?). Le peuple élu serait alors une forme d’expression du syndrome du premier de classe ?

     

    Mais l’histoire ne se terminera pas là.

     

    L’horreur des évènements qui ont cours depuis le matin du 7 octobre 2023 va vraisemblablement se poursuivre, épisode ultime d’une saga dont la dramatisation ne semble faire que s’accentuer.

     

    IL y avait, semble-t-il, une certaine bonne connivence entre les trois grandes religions monothéistes sans doute jusqu’à il y a environ un siècle, 1917, la Déclaration de Balfour.

    Potentiellement, ce qui deviendra l’Etat d’Israël devenait ainsi la Gaza pour les Juifs du monde entier… La pression démographique qui n’a cessé de s’accentuée compliquée aussi par l’arrivée de Juifs très différents les uns des autres selon qu’ils provenaient par exemple d’Afrique du Nord ou d’Europe de l’Est… la culpabilité des Occidentaux résultant des horreurs de la Shoah, ont eu l’effet dramatique que l’on observe à l’égard des populations d’origine.

    Vraisemblablement, le vieux principe Œil pour œil, Dent pour dent, sera, cette fois encore préféré, mais le Christ qui était palestinien, avait voulu convaincre de l’inverse, voici deux milles ans.

     

    Revenons à Metin Arditi.

    Etre le peuple élu, c’était avoir un mandat. Une charge. Ce n’était pas dire :

    Je suis le meilleur’… La Palestine devait être une terre modèle, profondément égalitaire, ouverte aux Juifs, aux musulmans, aux chrétiens, quelle que soit l’importance de leurs populations.

    « La mission du peuple élu, notre mission (, selon Rachel,) est de rappeler au monde combien l’exil est douloureux.

    Tu sais quel est notre problème ?

    Celui auquel personne ne pense ? …

    Nous n’arrivons pas à nous mettre à la place de l’autre. » (p.455).

     

    L’éternel conflit. La Palestine devait être une terre modèle.


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  • Commentaires

    1
    Binamé JP
    Jeudi 12 Octobre 2023 à 12:00

    Merci aussi pour ce rappel historique.

    2
    Jacques
    Lundi 16 Octobre 2023 à 11:16
    Merci Jean pour cet éclairage puissant. Dieu sait qu'on entend des commentaires pour l'instant, particulièrement sur les médias français. Tu es le premier que j'entends évoquer la question du peuple élu. L'éclairage que tu apportes est fascinant. Un éternelle question me revient là aussi "qu'alors y faire ?"
    3
    Mercredi 18 Octobre 2023 à 21:52

    Se rappeler l'histoire me paraît essentiel mais enseigne-t-on encore l'histoire contemporaine ? Pourquoi faudrait-il qu'il y aie un peuple élu... et, par conséquent, l'autre qui ne le serait pas... ? 

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